Bienvenue au deuxième niveau de ma séquence "Miró à tous les étages", que je propose en cycle 2 et 3 et que j'adapte selon le temps dont je dispose et le degré d'implication des élèves :
Aujourd'hui, je vous emmène au niveau 2, vous voulez ? Au deuxième étage, on est à peine plus riche : peu de temps, peu de matériel (comme souvent quand on enseigne, quoi). À cet étage, on n'a pas trop envie de salir la cuisine (ou la classe). On dispose peut-être de 3/4 d'heure devant soi (voire moins), d'une poignée de crayons et de feutres - et peut-être deux ou trois autres vieux médiums dénichés au fond d'un tiroir (gouache solide en stick, pastels gras, chunkies, marqueurs Posca, feutres à paillettes ...).
Et pourtant, vous allez voir : il est chouette, ce niveau 2 ... On y va ? 😊
Au menu : Coloriage et Dessin "pas à pas" ... Je vous entends déjà hurler ... Mais venez-y voir de plus près d'abord, ok ? 😏
1. Coloriage
Bon, vous êtes z'en droit de vous récrier que le coloriage, ce n'est pas très créatif, c'est limitant ...
On
est tous pareil, nous les adultes : on préfère quand les enfants
partent d'une feuille blanche pour dessiner ce qui leur passe par la
tête !
Pourtant
!, le coloriage développe la motricité fine, le raisonnement (choisir
les couleurs nécessite d'appliquer des stratégies), et la concentration.
Sans compter qu'en histoire de l'Art, il permet l'appropriation du dessin proposé : après avoir colorisé
un Miró, votre enfant connaitra le tableau !
Clic droit pour "enregistrer sous" et imprimer ^^ |
Les coloriages que je propose en Histoire de l'Art respectent quelques caractéristiques :
- Ils sont des reproductions d'œuvres authentiques de l'artiste étudié, et sont légendés : nom de l'artiste, titre de l’œuvre, date d’exécution.
- Ils ne sont pas trop grands. Généralement format A5 - ici, on est en
A4, mais une partie de la page est "mangée" par la légende). Une petite
surface est plus facilement remplie, on s'y applique donc avec plus de
soin.
- Ils ne proposent pas de modèle. Le choix des couleurs est libre.
- Ils s'accompagnent néanmoins d'une consigne. J'encourage toujours les enfants, dès la maternelle, à "remplir"
les zones à colorer de motifs graphiques. On trace des arabesques au feutre fin, et on colorie ensuite aux crayons de couleurs.
Grâce à ces caractéristiques, aucune production ne se ressemble. Il est intéressant, dans un cadre scolaire, de les afficher toutes au tableau, et de discuter les différents choix des petits coloristes-graphistes.
Et à la fin de la séance, on projette en regard de tous ces travaux l’œuvre de l’artiste telle que LUI l'a coloriée !! Aaah, c'est intéressant, hein ??
On en discute : en terme de couleurs, Miró fait des choix évidents. Lesquels ? Ici, le noir, bien sûr, auquel peu d'enfants auront pensé. Et puis, les couleurs primaires - rouge, bleu, jaune !!! Quelle est sa couleur secondaire favorite ? La retrouve-t-on dans d'autres tableaux ? La réponse est : OUI ! Miró aimait le vert d'amouuuur! (Si vous en avez le temps, projetez rapidement Une femme (1958), Vert (1971) et La lune verte (1972) pour le vérifier.)
Ce
coloriage est à avoir dans votre mallette de remplaçant (si vous êtes
enseignant-remplaçant) : il permet de proposer une activité pleine
de sens en 30 minutes chrono (sous réserve d'avoir présenté rapidement
l'artiste en amont), sans matériel, et quel que soit le niveau de
classe... On aurait tort de s'en priver !
Et puis, vous voyez : l'analyse de l’œuvre d'un artiste et la pratique artistique (même humble) ne sont JAMAIS dissociées. Jamais, jamais !! ❤
2. Dessin "pas à pas"
Dessiner "à la manière de" ... Vous n'y pensez pas ??? Longtemps j'ai eu cette tendance en horreur !! 😨😨
Franchement, quel intérêt de reproduire une œuvre ? Certes, c'est un métier à part entière, ça, copier les
œuvres, et qui demande une technique certaine. Mais globalement, à l'heure de la reproduction informatique, ce
n'est pas un métier d'avenir ...
Oui,
les "pas à pas", c'est critiquable, et il est évident qu'une pratique
artistique ne saurait se limiter à ces dessins guidés. On leur reproche de brider la créativité - c'est-à-dire de ne pas
développer la confiance de l'enfant en sa capacité de création
personnelle. De plus, je trouvais que ces supports généraient des travaux trop
similaires, pour ne pas dire identiques, et remarquais que la plupart
des enfants craignaient de s'éloigner du modèle proposé.
by Antonin, 13 ans |
Mais à force d'y réfléchir, d'observer et de tester des trucs, j'ai aussi constaté un intérêt de taille à la pratique des
"pas à pas" : à la fin de la séance, l'enfant ne compare pas sa
production à celle de son petit voisin en concluant : "Mon dessin est
trop moche, mon voisin, lui, sait dessiner ... Pas moi !".
Un
"pas à pas" peut permettre à un enfant "bloqué" de reprendre goût au
dessin et confiance des ses capacités artistiques. Il met en
situation de réussite, il permet de construire une base de gestes
graphiques, ainsi qu'une connaissance intime du style de l'artiste
étudié. Enfin, il induit un travail sur le vocabulaire et la
séquentialité,
Enfin, contrairement
à ce que j'ai longtemps pensé, il est tout à fait possible d'obtenir des œuvres très personnelles en fin de séance ... je vous explique comment aujourd'hui. ^^
Les "pas à pas" sont très efficaces pour s'approprier une œuvre, à condition de respecter certaines caractéristiques :
- Le "pas à pas" se passe aisément de texte. Pas de légende injonctive sous les différentes étapes, du type : "Trace trois étoiles à droite", "Dessine des yeux et une bouche". Les vignettes parlent d'elles-mêmes, et si l'enfant les interprète à sa façon, tant mieux ! On peut, par exemple, lui laisser le droit de ne pas voir dans cette courbe une bouche, mais autre chose ! Il peut tracer autant d'étoiles qu'il le souhaite, et pas nécessairement à droite !
- Idéalement, le "pas à pas" est en noir et blanc, et l'enfant fait ses propres choix en matière de couleur. De même, les médium ne sont précisés, et l'enfant peut choisir aussi bien le crayon à papier que le feutre noir, voire des pastels ou de la peinture, en fonction de l'effet qu'il souhaite obtenir.
- Le "pas à pas" reprend une œuvre authentique de l'artiste et non un "à la manière de" bidouillé par l'enseignant.
- Le "pas à pas" est épuré et laisse de la place pour l'ajout d'éléments supplémentaires et de petites contraintes choisies selon l'univers de l'artiste. Je développe ce point juste après. 👇
- À la fin de la séance, l'enfant inscrit au dos son nom, un titre qu'il s'est choisi et la date, suivis de : "D'après [nom de l'artiste, titre de l’œuvre de référence et date]".
J'ai trouvé un livre consacré au dessin d'après Miro qui respecte vraiment bien les différents critères que je recherche. Il s'agit de Dessiner avec ... Joan Miró, de Ana Salvador. Ludique, graphique, c'est une invitation à imaginer, rêver, et à prendre des risques picturaux ! La démarche n'enferme jamais, et la mise en page est vraiment magnifique - mention spéciale pour les petites citations de l'artiste qui émaillent les pages avec beaucoup de justesse, ainsi que le découpage en "chapitres", vraiment éclairant sur les obsessions picturales de l'artiste (Ciel, Constellations, Oiseaux, et Personages).
Je disais un peu plus haut que le pas à pas devait laisser de l'espace pour l'ajout d'éléments supplémentaires et de petites contraintes choisies selon l'univers de l'artiste ... On peut effectivement greffer au "pas à pas" de petites consignes à haute teneur pédagogique :
1. Reproduire les étapes du pas à pas, ok ... Mais pourquoi ne pas le faire en fermant les yeux ? Voilà qui est totalement dans notre sujet puisque, justement, Miro dessinait parfois en aveugle. Et si on reproduisait certains motifs de la main gauche ? Et d'autre de la main gauche + en fermant les yeux ? Ce type de contraintes permet d'injecter dans l’œuvre réalisée une jolie spontanéité. On lâche prise, on s'amuse, il ne s'agit plus de "recopier" parfaitement un modèle !
2. Prenons 10 minutes, une fois le "pas à pas" réalisé, pour dégager quelques motifs simples, récurrents dans l’œuvre
de Miro. En classe, c'est une phase de recherche collective, qui permet à l'enfant de lever un peu le nez de sa feuille, pour y revenir ensuite l'esprit reposé et enrichi. Projetez rapidement quelques œuvres archi-célèbres, et laissez les élèves dégager les motifs qui reviennent : ronds plein, souvent noirs ; formes géométriques variées ; ondulations ; tâches rouges "gribouillées" ; dégoulinures ; lunes et étoiles ; membres des personnages "fil de fer", etc. On les liste tous ensemble, et on les reproduit isolément au tableau ou sur une feuille de brouillon. Chaque enfant choisit ensuite 2 ou 3 motifs pour les ajouter à son dessin.
Concernant l'ajout de ces petits détails libres, l'enfant choisit ses médiums : crayons, pastels, feutres, peinture, fusain (attention, c'est salissant) ou que sais-je. En classe, on fournira un panel de médium - les chunkies ou la gouache solide sont parfaits si vous ne voulez pas passer un peu temps à nettoyer le matériel de peinture en fin de séance.
Ajouter des motifs |
Voici deux "pas à pas" extraits de Dessine avec Joan Miró. Saurez-vous les rendre uniques ... comme vous ? 😉
Pochoirs en couleurs, Il était une pie, Joan Miró, 1928. |
Lithographies, Parler Seul, Joan Miró, 1948. |
Les petits doigts commencent à chauffer ? Si oui, vous êtes prêt pour le niveau 3 !
Je vous prépare ça, à bientôt et bonne semaine ! 🙏
{ Miró sur le blog, c'est aussi ici :
- Cartes de nomenclature : 10 œuvres de Miró + 10 œuvres de Pollock à télécharger et à imprimer.
Question bonus pour celles et ceux qui aiment débattre : Pour ou Contre les coloriages et les dessins type "pas à pas" ? Les voyez-vous comme une activité limitante ou au contraire, pensez-vous qu'ils mettent l'enfant en situation de réussite ? 😊
Comme d'habitude sur ce blog, l'article est passionnant! Cela donne envie de se plonger dans les oeuvres de Miro avec les enfants.
ReplyDeleteDans ma classe de GS CE1, nous faisons souvent des dessins à étapes et je trouve que cela permet effectivement aux plus réticents face au dessin de se donner confiance. Pour les plus doués, ils en retirent de nouvelles techniques pour étoffer celles qu'ils ont déjà.
Personellement j'aime bien les lance le dés et dessine qui permette comme tu le soulignait de faire connaissance avec l'artiste sans avoir tous le même dessin. et puis pour les eprsonnes que la feuille blanche tétanise et angoisse c'est un bon départ. On dira que c'est semi-guidée mais ça laisse aussi place à la créativité
ReplyDeleteJ'adore cette série d'articles ! Merci ! Merci!
ReplyDeleteMerci pour le coloriage. J'aime beaucoup colorier, c'est apaisant.
ReplyDeleteOn aime colorier ici aussi. Surtout les mandalas qui sont pratiques pour les enfants avec soucis graphiques puisque ça permet de faire une tache plus petite ''visuellement parlant'' et par étapes donc moins décourageant. Et j'avoue je ne sais pas dessiner mais j'adore colorier.
DeleteÇa ne les empêche quand même pas de créer plein de choses à d'autres moments, et c'est un chouette exercice aussi de suivre des consignes? Je note que tes pastels sont super bien assortis au dessin je trouve 😅
ReplyDeleteC'est une question que je me suis longtemps posée. Après avoir banni le dessin pas à pas, je le réintroduis en classe et je trouve que mes élèves en tirent des bénéfices.
ReplyDeleteJe dirais pour… j’ai confiance en l’enfant qui s’en saisira ou pas …
ReplyDeleteQuelle approche intéressante ! Merci pour cet aperçu de toute la réflexion qui se cache derrière une séance.
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