J'ai lu un mot très mignon sous la plume de Planète Parentage la semaine dernière. Cette Maman parlait de sa fille et l'appelait "l'ado (rable)". Ado - adorable, j'ai trouvé ça si cute !! ❤
Remarquez d'ailleurs, que le jeu de mot ne fonctionne pas avec "pré-ado". On ne peut pas dire "pré-adorable", ça ne marche pas. Voilà qui conforte ma méfiance en ce mot, "pré-ado". L'adonnaissant, je le dis souvent, n'est pas un "pré-quelque chose", il est pleinement lui-même, pleinement adorable. Maintenant. 😊
Je réfléchis beaucoup à la construction égotique chez l'enfant - et je consacrerai peu-être un article à mes observations si elles vous intéressent. Pour aujourd'hui je voulais vous raconter une p'tite histoire vécue et croquignolette. J'hésite toujours un peu, depuis quelques années, à vous relater ce genre d'anecdotes, parce qu'elles touchent toujours un peu l'intime de l'enfant, forcément, c'est-à-dire sa construction identitaire. Ma pudeur est bien la preuve qu'elle a commencé, cette construction de Soi, car je ne la ressentais pas lorsque les enfants étaient plus petits. Alors, ils étaient. A présent, cela ne suffit plus : ils veulent savoir qui ils sont, et s'appliquent à renvoyer une image d'eux-mêmes conformes à leur ego en construction.
Mais je me lance quand même, car je me dis que ma petite histoire du jour vous inspirera peut-être ...
Antonin, vous le savez, est capable de se mettre dans des états émotionnels pas possibles pour ce qui semble être des broutilles à tout autre que lui. Je note en particulier que certains actes de sa sœur (généralement anodins) ont le pouvoir de le faire sortir de ses gonds. Là encore, il y aurait beaucoup à écrire - la charge mentale insoupçonnée de l'aîné dans une fratrie, oh oui !
Un exemple : Louiselle "joue" avec la cire d'une bougie allumée. C'est très sensoriel, cette cire qui dégouline. Elle creuse des sillons avec une aiguille à la base de la bougie pour guider la coulée de cire molle, la recueille du bout de son outil, la reverse sur la flamme qui crépite ... J'aime aussi beaucoup faire ce genre de chose, pas vous ? 😊
Antonin observe sa sœur quelques instants en silence, on sent qu'il bouillonne, puis il explose : il somme sa sœur d'arrêter cela, c'est absolument insupportable, et puis ça abîme la bougie, tout de même !
Ce genre de petites misères se reproduisent plusieurs fois par semaine, et ne sont, en soi, pas bien grave. Sauf pour Antonin, qui déverse sur ces situations une énergie folle, mal dosée, non appropriée, qui l'épuise.
Le Damoiseau possède une intelligence intrapersonnelle musclée. Il s'observe beaucoup et réfléchit à ses comportement, analyse ses émotions, qu'il sait bien identifier. Il a conscience de ses forces et de ses limites, et après ce genre d'anicroche, il est le premier à reconnaitre que la situation qu'il l'a mis en rogne n'en valait pas la peine.
Dans ce contexte, j'essaie, quand je peux, de lui fournir de petits outils, et le dernier en date est particulièrement cher à mon cœur. Je l'utilise souvent, et je suis sûre de vous en avoir déjà palé (mais dans quel article parmi les 1315 de ce blog ??). Il s'agit de l'astuce du témoin : quand je sens qu'une situation m'irrite, ou déclenche en moi une réaction émotionnelle inappropriée, j'essaie - quand j'ai la présence d'esprit d'y penser 😁 - de me placer en position de spectateur. Je me dissocie de la scène à laquelle j'assiste, exactement comme si elle se déroulait dans une pièce de théâtre dont je ne serais que le public.
C'est assez magique, parce que, quand j'y parviens, je sors immédiatement de la situation potentiellement conflictuelle (ou simplement inconfortable). C'est de plus, assez facile, pour deux raisons me semble-t-il :
- Nous sommes habitués, dans nos vies modernes, à être spectateur, devant un film par exemple. La relation étroite aux vidéos qu'entretient la jeune génération fait que cet outil leur parle immédiatement, et qu'ils n'ont aucune difficulté à l'utiliser.
- C'est une posture qui concerne le mental, et le mental se prête très vite aux jeux que nous lui soumettons - surtout si, comme dans le présent exercice, ils sont associés à un sentiment agréable (nos soirées-ciné chéries ❤). Le mental se "contrôle" vraiment facilement, alors que les émotions ... non. Il est inutile de proposer un "jeu" à une émotion, elle s'y refuse. Quand l'émotionnel s'exprime, nous n'avons qu'à l'écouter, l'accueillir et laisser passer. L'émotionnel, par définition, refuse de se laisser raisonner.
Toute l'astuce repose sur le fait que notre mental a un impact direct sur nos émotions. Pour le dire mieux, nos émotions sont une réaction de notre mental, et au lieu de les changer elles (ce qui n'est pas possible), on remonte à la source et on calme le mental (ce qui tout à fait jouable avec un peu d'entrainement). Si le mental se met sur une certaine "longueur d'ondes", l'émotionnel suit automatiquement.
Ce qui est intéressant quand on adopte cette posture du témoin, c'est qu'on obtient un double bénéfice :
- D'abord, nos émotions cessent de s'emballer, c'est délassant. Parfois même, on parvient à s'amuser de ce qui nous irritait profondément quelques secondes avant.
- Ensuite, on constate dans 90 % des cas que la situation conflictuelle se règle d'elle-même, sans Moi, sans que Je n'ai besoin d'injecter de l'émotionnel dedans. Ou justement parce que Je n'injecte pas d'émotionnel dedans. 😏
Un soir en tête à tête, j'explique donc tout cela à mon Damoiseau fort attentif. Il ne dit ni oui, ni non, mais je vois qu'il n'en perd pas une miette.
Quelques jours passent, et je n'y pense plus.
Et puis, un soir, nous nous apprêtons à dîner. Mon homme et moi papillonnons autour de la table pour y placer l'eau, le pain, sortir le plat brûlant du four ... et ne prêtons pas spécialement attention aux enfants.
Soudain, j'entends, alors que je le frôle, mon Damoiseau murmurer tout bas, très bas, pour lui-même :
"Je suis un témoin ... Je suis un témoin ..."
Il est calme mais concentré, et déploie visiblement un effort mental tel qu'il a besoin de verbaliser à mi-voix.
Je comprends que quelque chose l'agace au plus haut point. Mais quoi ? Je sonde rapidement mon environnement et je comprends : Louiselle s'est installée à table sans s'être lavé les mains. Ce genre de petites resquilles, habilement tentées de temps en temps, hirsute littéralement son grand frère (oui, la charge mentale insoupçonnée des ainés ... Bref).
D'habitude, face à ce genre d'entourloupe, Antonin explose, et endosse un discours de "parent" qui n'est pas le sien : "Louiselle ! Tu ne t'es pas lavé les mains !! Tu dois le faire !! Et correctement, bla bla.".
Mais ce soir-là, Antonin a décidé de ne rien dire. De ne rien faire.
Et ça marche, puisque je rappelle à Louiselle le passage obligé au lavabo. Pendant qu'elle obtempère gracieusement (bonne joueuse, on ne gagne pas à tous les coups !) Antonin me souffle :
"Tu as raison, ça s'est réglé sans moi."
Et il ajoute avec un grand sourire :
"Mais je prochaine fois, il faut que je pense "Je suis un témoin" sans le dire ! Et là, si ça se règle tout seul, ce sera vraiment magique !"
T'inquiète, mon fiston : c'est magique et ça marchera, promis.
Alors voilà, je raconte cette histoire parce qu'elle me donne vraiment envie de crier au monde entier :
Nos ado(rables) sont incroyables !
Et je suis fière et soulagée de savoir que le monde futur est entre leur main ! ❤