Ah, les promenades en famille, c'est le bonheur ! Voir nos rejetons s'éclater en plein air, escalader, gravir, gratter, s'exclamer, questionner, et ... ramasser. Qu'est-ce qu'on en ramasse, d'ailleurs. C'est dingue, toutes ces richesses fabuleuses qui ont décidé de se mettre juste sur notre chemin. 😉
"Maman, j'ai besoin de grimper dans l'arbre, tu peux me tenir MON TRÉSOR ?", dit Louiselle en me tendant un superbe lambeau d'écorce bicolore vaguement moisie.
Bien sûr, ma chérie, notre sac d'explorateur est justement fait pour ça.
Et s'il se retrouve bientôt plein, ce n'est pas grave. Antonin a décidé
qu'il allait rapporter 31 pommes de pin en les serrant contre son cœur -
il a un projet précis en tête, et ne lâchera pas l'affaire. Louiselle a les poches si lourdes de cailloux, qu'elle en perd son pantalon - elle retient son jogging de la main gauche en veillant à ne pas abîmer le bouquet de pissenlits en graines qu'elle serre dans la main droite. Sur le
retour, on embarque un ou deux bâtons (car voilà, ce sont vraiment de
très jolis bâtons !) et à la lisière du village, alors qu'on se croyait
arrivés, nous tombons en extase devant les pétales des tulipes fanées
qui jonchent le sol. Hop, hop, on embarque ces merveilles, ça tombe
bien, Papa ne portait rien encore. 😁
Nous rentrons ravis, jetons notre récolte sur notre étagère de la nature, où nous l'oublions. Quelques jour plus tard, je relâche les 31 pommes de pins et les 58 cailloux dans la Nature, et verse le reste au compost.
Ainsi c'est ainsi : la plupart du temps, les enfants ne jettent plus un seul coup d’œil aux objets qu'ils trouvaient si merveilleux en extérieur et qu'ils ont tant peiné à rapporter. La majorité des projets qui avaient germé alors dans leur esprit s'effacent au profit d'autres une fois rentrés, et ce n'est pas grave. L'important est dans le processus, n'est-ce pas - la récolte, la "chasse", la relation sensorielle et affective de l'objet qu'on prélève dans la nature* - pas dans le résultat.
{* N.B. Bien sûr, il est de notre devoir de parents d'enseigner à nos enfants à ne pas piller notre environnement naturel. Oui au petit bouquet, non à la razzia systématique. On évite de cueillir les essences rares, et on prélève de préférence ce qui est tombé à terre, ou n'est plus vivant : bois mort, feuilles d'automne, graines ... Nous ne sommes que des invités dans l'écosystème visité, et il est d'ailleurs bien plus amusant de dénicher ce que la Nature veut bien nous donner que de lui arracher de force ce qui assouvit notre besoin du moment.}
"Le cheval et la barrière", par Louiselle. |
Mais cette fois, nous avions vraiment envie de valoriser notre récolte - du moins, avant qu'elle ne poursuive son cycle de vie au jardin. Nous avons décidé de mettre en scène nos débris végétaux dans de petites composition plastiques, et ce projet tout simple a tellement plu aux enfants qu'ils le réclament déjà à nouveau !
Matériel :
- Feuilles de papier coloré.
- Trésors rapportés de promenade.
- Appareil photo.
- Ordinateur et programme d'édition graphique (Photoshop, Photoscape, Gimp ...)
"Flamant rose", par Louiselle. |
Processus :
Les enfants choisissent chacun une feuille de couleur, et placent librement les éléments de leurs choix afin de réaliser des compositions. Antonin commence par réaliser un fond de graines et de pétales de pissenlit, sur lesquels il place quelques éléments avant d'aviser le travail de sa sœur.
"Sans titre", par Antonin. |
Louiselle, elle, est partie dans des représentations plus figuratives ; elle essaie de représenter des animaux. Cela semble inspirer le Damoiseau ...
"Hippopotame", par Louiselle. |
"Ah, je voudrais faire un autre tableau", s'exclame alors Antonin, "mais il va falloir casser celui-là ! Je voudrais le garder, moi !"
Oui, c'est le propre de l'art éphémère : on sait, avant même de commencer, qu'il n'en restera pas de traces dans l'espace. D'ailleurs, nos éléments naturels étant en nombre limité, il faut reprendre les mêmes dans chaque œuvre, en les réorganisant différemment. C'est un des grands intérêts de l'activité, d'ailleurs, de constater qu'on peut exprimer des idées nouvelles avec des éléments identiques !
Le petit pont de Monet, par Antonin. |
Comment faire ? 😉
Il ne restera pas trace de l’œuvre provisoire dans l'espace, certes. Mais on peut bien sûr l'immortaliser par une photo. C'est la raison pour laquelle Land Art et photographie sont si intimement liés !
Et voilà comment une humble séance post-promenade se transforme en projet photographique ...
Quelques jours plus tard, les enfants demandent à revoir leurs photographies. Et prise d'une inspiration subite, j'en profite pour leur faire découvrir le logiciel d'édition d'images que j'utilise - il s'agit de Photoscape. Et oui, la photographie est en lien avec le "numérique" aussi sûrement que le Land Art est lié à la photographie ...
C'était une première pour les enfants, et ils se sont beaucoup amusés à tester les effets des différentes fonctionnalités du logiciel sur leurs œuvres. Des plus utiles (réglage de la lumière, de la netteté, recadrage ...) aux plus farfelues (filtres colorés, bosselage, duplication de l'image par symétrie, etc.), ils ont TOUT essayé ! 😄
Notez bien que les enfants ont travaillé ici leurs propres photos, et non celles que j'avais pu prendre, moi, avec mon appareil, afin d'illustrer cet article. Bien sûr.
Au delà de l'aspect ludique, je me suis régalée à encadrer ces séances de manipulation numérique, et à verbaliser le fait qu'une image pouvait être détournée, déformée, recréée - bref, à déconstruire scrupuleusement, et de manière concrète, l'idée qu'une image puisse être "objective".
Je vous livre ici les œuvres finales, retravaillées par leurs auteurs. Ayez bien en tête que ce n'est pas la valeur esthétique de l'image qui compte, mais son sens et l'action qu'elle a nécessité ! Et en l'occurrence, chacun de ces travaux porte en lui un processus qui a commencé ... souvenez-vous ... lors de cette promenade où Louiselle tenait son pantalon. 😊
Flamand rose, par Louiselle. |
Sans titre, par Antonin. |
Cheval et barrière, par Louiselle. |
Le petit pont de Monet, par Antonin. |
Hippopotame, par Louiselle. |
La bonne idée, je trouve, ce serait de réaliser une séance de ce type à chaque saison, histoire de comparer les rendus en fonction des matériaux ramassés ... ❤
C’est fantastique !!! Bravo à eux !
ReplyDeleteMerci pour eux, je transmets !
DeleteChouette projet comme d'habitude 😍😍😍
ReplyDeleteOh, merci, Alice !
DeleteC'est super, vraiment intéressant, je vais utiliser ceci pour mes enfants et mes petits élèves avec qui nous faisons parfois du Land art 🎨 (peinture végétale ou mandala). Merci pour ce partage
ReplyDeleteAh, je suis très heureuse si cela t'inspire !!
DeleteSuper ! Ici aussi, les "récoltes" finissent souvent oubliées dans un coin. Parfois, ils font des "bricolages" sur une feuille et ça arrive que l'on prennent en photo. Par contre, c'est un peu tôt pour le traitement d'image.
ReplyDeleteJ'adore les résultats de Louiselle et Antonin, ca me rappelle les heures passées à essayer toutes les fonctionnalités du logiciel de traitement d'image (même les plus kitch) qui était installé sur le PC familial. A la fin, ca ne ressemblait plus à grand chose :)
Merci !
Quel joli projet! C'est vraiment inspirant! Et tes enfants sont de vrais artistes, je trouve leur oeuvres très touchantes.
ReplyDeleteTa description de vos promenades me fait penser aux nôtres (avec les pantalons qui tombent, et encore juste ces deux bâtons !... Parfois je n'arrive quasiment plus à soulever leurs vestes...) :-p L'été passé l'appareil photo nous a permis de laisser au bord du chemin quelques gros cailloux intransportables...
Merci pour cette nouvelle idée nature/artistique ! :-)
Encore un merci pour ce partage! C'est vrai que chez nous les récoltes sont fréquentes, et leur finalité quasi-inexistantes...A tel point que parfois je freine les ardeurs de ramassages étant donné le résultat = compost... Mais voilà une idée emballante qui donne un peu de sens (même si je sais : ce qui compte c'est le processus :)!)
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