Cet article a été écrit un soir de vague à l'âme et de grande fatigue, où il m'est apparu que le fait de travailler me dépossédait de ma vie. Je ne parle pas de la nature de mon travail, qui me passionne, mais du simple fait de travailler. Travailler est aliénant. Bien sûr.
Après une bonne nuit de sommeil, à la relecture, il m'a semblé que je n'avais pas réussi à exprimer ce que j'avais voulu, et j'ai donc supprimé ce post. Vous avez été nombreuses à réclamer sa réédition, je m'incline donc. 😊 Merci à toutes, et qui que vous soyez, prenez cet article comme il est : imparfait. En même temps, si je visais la perfection, je n'aurais jamais rien publié... 😄
C'est assez frappant. Où que j'aille, quoi que je fasse, et surtout depuis que
j'ai repris le travail – et donc une « vie sociale
normale », n'est-ce pas - je n'entends personne qui parle de
l'essentiel.
Par exemple : nous sommes en automne. Et l'automne arbore certaines couleurs. Du genre
vibrantes. Surtout cette année, peut-être. Mais il semblerait que
cela ne soit pas un sujet de conversation usuel. Personne ne dit :
« Oh, la dernière promenade que j'ai faite était haute en
couleurs ! ». Personne ne s'exclame : « Ouah, quelle beauté, j'ai été halluciné dans ma voiture ce
matin sur le chemin pour venir ! ».
Personne ne se poste sous un arbre, le nez au vent – pas devant
témoins, en tous cas. Personne ne parle du temps ressenti – je
veux dire, pour en parler vraiment, et non pour s'en plaindre…
Vous me direz :
bien sûr. Cela n'est pas une conversation, ça. L'automne.
« Bonjour.
Ah, les joies de la saison, n'est-ce pas ? La lumière et
l'essence de nos moments en famille. Les feuilles rouges, jaunes et
orangées, qui nous secouent l'âme gentiment
en nous parlant de la mort-pour-de-faux. Les questions cruellement
candides de l'enfant qui nous remuent les
méninges-pour-de-vrai. Et les champs rasés à perte de vue, qui
n'évoquent plus la luxuriance de l'été, mais
dégorgent de racines noires, de rhizomes agonisants, de terre grasse,
humide et collante, voire d'herbes folles et un peu sèches sous les
derniers rayons. Que c'est beau, d'ailleurs, cette sécheresse
et cette humidité liées, vous ne trouvez pas ? » – Pourquoi n'est-il pas possible d'en
parler ainsi entre collègues, à la pause de 13h, par
dessus notre café ? L'attention à la beauté du temps qui passe est-il l'apanage des gens qui ne travaillent que pour eux mêmes ?
L'automne est
peut-être ma saison préférée. La lumière y est si riche et les
couleurs si profondes et vivantes... Mais depuis deux ans, c'est à travers un voile que je vois la
lueur de l'aube, ou celle de la fin d'après-midi, rasante,
caractéristique, et je regrette de ne pouvoir prendre le temps de
l'observer vraiment, prise dans l'effervescence de mon emploi du temps déjà lancé vers je ne sais quoi…
Cette minute magique, juste avant que le soleil dépasse l'horizon, et celui du moment précis où il va disparaître, m'échappe de plus en plus
souvent. A ce moment-là, j'ai autre chose à faire. Comme tout le
monde. Mais enfin : « tout le monde » ne voit-il pas
qu'il rate chaque jour l'essentiel ?
Pour qui prend le
temps de regarder, les choses sont claires, comme le reflet net des
feuilles brunes, prises dans le courant glacé et mouvant de la rivière
transparente. Ainsi de notre vie, oui, qui glisse et polit les
galets des ruisseaux, goutte trépidante après goutte trépidante.
Peut-être est-ce, d'ailleurs, exactement la raison pour laquelle on n'en parle pas à la
pause café... 😊
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