Voilà, ça me reprend. A chaque changement de saison, je suis prise d'une crise "waldorf-steinerienne", et bien que, certains jours, l'aspect suranné et guindé de cette pédagogie me donne tout simplement envie de pouffer sous cape, elle exerce sur moi, à travers le temps, un attrait indéniable. C'est irrésistible. Et je me dis pour ma défense que cette pensée est comme toutes les autres, vivante, et que c'est à nous de l'écrire aujourd'hui et de décider de ce qu'elle devient.
Soit : quelque chose d'assez chouette, en fait. Un peu de simplicité dans un monde complexe. :-)
Et voyez : parfois, ce qu'on croit connaitre par cœur nous saisit sous un jour nouveau et c'est la claque. Une phrase, une thèse, qu'on croyait avoir mâché et remâché dans tous les sens nous saisit soudain, et notre vie quotidienne s'en trouve bouleversée.
Et voyez : parfois, ce qu'on croit connaitre par cœur nous saisit sous un jour nouveau et c'est la claque. Une phrase, une thèse, qu'on croyait avoir mâché et remâché dans tous les sens nous saisit soudain, et notre vie quotidienne s'en trouve bouleversée.
Voilà l'histoire :
Cela fait des années que je m'empêche de faire quelque chose de mes mains. D'abord pour des questions de sécurité et d'efficacité - et bien sûr, parce qu'en devenant Maman, mon temps de "loisir" s'est restreint comme peau de chagrin.
Mais VRAIE nature de la VRAIE raison est toute de bien-pensance pédagogique - allons, vous me connaissez et cela ne vous étonne pas ! ;-)
Dès la naissance de mes enfants, en les observant, j'ai constaté qu'ils étaient engagés dans un travail crucial, vital, d'autant plus déterminant que le résultat de leur action n'avait pour eux aucun sens. Ce qui comptait, c'était l'activité elle-même. Cette révélation, dont j'ai souvent parlé je crois, fut une véritable leçon de Zen - la plus belle que je reçus jamais. J'en fut tellement bouleversée que je m'attachais à essayer de faire comme eux, avec eux, et tentais de vivre le moment présent pour lui-même, sans me soucier du but poursuivi - d'autant que, généralement, il n'y en avait aucun.
La conséquence, en pédagogie, est immédiate : exit les petits bricolages, pourtant prisés en crèche et dans les classes maternelles, où on propose à l'enfant de construire "quelque chose" (et, tant qu'à faire, "quelque chose" qu'il n'a pas choisi et dont les étapes de construction sont rigoureusement imposées). Depuis que je suis Maman, je me dis que le monde est mal fait : tant que l'enfant n'a pas 5-6 ans, on s'acharne à lui faire fabriquer des trucs alors qu'il a juste besoin d'expérimenter. Après cet âge, par contre, on ne parle plus que d'abstraction et les travaux manuels sont considérés comme puérils... alors que c'est le moment où ils prendraient tout leur sens...
Ici, c'est très chouette, Antonin entre dans cet âge fatidique et se met à aimer réaliser selon un plan qu'il a lui-même établi ou qu'il a lui-même décidé de suivre... Je me régale, mais ceci sera le sujet d'un autre article ! ;-)
La claque dont je vous parlais plus haut, la voici. Alors que je surfais sur le Net à la recherche d'idées de gouters sains, je tombe sur cet article. Et bla-bla-bla, oui d'accord, et bla et bla, oui, on connait, et ça ne répond pas du tout à ce que je cherche, donc... Je m'apprête à fermer la fenêtre lorsque le paragraphe 12 me saute dans les yeux - je le traduis ici :
"Dans les écoles maternelles Waldorf, les enseignants ne s’assoient pas à côté des enfants pour jouer avec eux ; mais ils mènent leurs propre tâches, dont les enfants s'inspirent pour leurs jeux. Entrez dans nos classes : vous verrez les enseignants balayer, cuisiner, scier, entretenir le potager, soigner les animaux, couper du bois, selon le projet de chaque école. De même, en tant parent, lorsque votre enfant vit une "expiration"*, n'hésitez pas à faire votre travail. C'est ainsi que vous permettrez à vos enfants de faire le leur à vos côtés - leur travail à eux étant leur propre jeu."
(N. B. : Une phase d'expiration désigne un moment d'action parfois débridé où l'enfant a besoin d'agir par lui-même. Les inspirations sont caractérisées par un besoin intense de l'attention de l'adulte. C'est un concept nodal de la pédagogie Waldorf : si les besoins d'attention sont respectés et pleinement "remplis" (concept proche du "réservoir d'amour" chez Filliozat), les moments d'expansion, d'excitation, se dérouleront harmonieusement.)
Bon. Pour ceux qui connaissent cette pédagogie, rien de bien nouveau, n'est-ce pas ? Et bien sûr, aucun d'entre nous, en tant que parent, ne se prive de balayer ou de cuisiner devant ses enfants - comment le pourrait-on ? Pourtant, ce petit bout de lecture-là m'a fait l'effet d'un électrochoc.
Bon. Pour ceux qui connaissent cette pédagogie, rien de bien nouveau, n'est-ce pas ? Et bien sûr, aucun d'entre nous, en tant que parent, ne se prive de balayer ou de cuisiner devant ses enfants - comment le pourrait-on ? Pourtant, ce petit bout de lecture-là m'a fait l'effet d'un électrochoc.
Il faut dire que le matin même j'avais été prise d'une envie de modeler au papier mâché - et puis, m'étais-je dis aussitôt, non, le papier mâché, c'est trop complexe. Je ne vais rien donner à voir à mes enfants qu'ils ne puissent s'approprier. Au pire, cela ne leur apportera rien, au mieux cela leur fera envie alors qu'ils n'ont pas la dextérité nécessaire - oublions.
La lecture de cet article m'a aidée à sauter le pas - j'ai pas mal perdu la main, mais le plaisir est intact. J'ai confectionné une pointe de sapin en forme de personnage, dans lequel j'ai condensé plusieurs figures qui me sont chères. Cela m'a pris du temps - à raison de quelques minutes par jour, mais sur plus de deux semaines. J'ai travaillé sur un coin de table, entre deux tâches, toujours à proximité de mes enfants. Ils ont été interpellés, m'ont questionnée, m'ont conseillée - m'ont ignorée souvent, aussi. J'ai décrit mon travail, j'ai essayé d'expliquer mes motivations et mes choix lorsqu'on me les demandait. Ils m'ont vu tâtonner, me tromper, recommencer. Ils m'ont vue engagée dans un processus de création - si humble soit-il. Ils ont vu l'objet naitre de rien sous mes doigts, et ils le voient à présent dans sa fonction finale, ornement suprême sur la plus haute branche de notre sapin de Noël. A aucun moment ils n'ont manifesté l'envie de travailler le papier mâché (peut-être sentaient-ils que cela n'était pas à leur portée ?), mais lors de la phase "peinture", Louiselle m'a réclamé de peindre, elle aussi... une fois.
C'était très agréable, d'ailleurs, cette séance de peinture en face à face, chacune de nous poursuivant son objectif - moi avec ma figurine, et Louiselle absorbée par la délicieuse tâche de badigeonner ses mains de violet sans laisser de "blanc"... Il y a quelques mois encore, peut-être (peut-être !?) aurait-elle demandé à peindre mon personnage - et je n'aurais pas pu le lui accorder... Mais à trois ans et demi, elle comprend parfaitement que nous ayons nos occupations respectives, et trouve la sienne plus palpitante - elle a raison ! ;-)
Je pense avoir touché du doigt, à cette minute partagée, l'essence du texte traduit plus haut : "C'est ainsi que vous permettrez à vos enfants de faire le leur à vos côtés - leur travail à eux étant leur propre jeu." :-)
Voilà, ça me reprend. A chaque changement de saison, je suis prise d'une crise "waldorf-steinerienne". Que voulez-vous, c'est irrésistible. :-)
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