"On dit que l'environnement agit comme une sorte de loupe qui reflète les idées, l'éthique, les attitudes et la culture des personnes qui y vivent. C'est là-dessus que nous travaillons."
Loris Malaguzzi, 1983.
Reggio Children, "la petite entrée" |
À force de baigner dans les grands noms de la pédagogie alternative (pédagogie Montessori, Freinet, Waldorf/Steiner, Mason...), il fut un temps où nous en déduisîmes - logique ! - que Reggio Emilia était le nom d'un individu. Et non ! Il s'agit d'une ville, et c'est bien d'énergie collective qu'il s'agit dès qu'on aborde cette pensée. C'est d'ailleurs là que réside sa particularité, son essence - sa complexité. Nous n'avons pas forcément été habitués, jusqu'à présent, à penser ensemble, mais il n'est jamais trop tard pour commencer, n'est-ce pas ? :-)
Vous savez qu'il y a quelques semaines, je suis allée à Reggio d'Émilie pour y visiter le centre international Loris Malaguzzi, ou Reggio Children. Cette fondation se présente comme un lieu tourné vers l'avenir, accueillant tous les partisans d'une éducation de qualité, sans distinction d'âge, de culture, d'opinions, d'espoirs et d'idéaux. Cette vaste bâtisse - ou plutôt, cet ensemble de bâtisses - cache un centre de recherche et d'innovation éducatives, et s'attache à explorer tous les processus à l'oeuvre dans tous les champs de la connaissance.
Vaste programme, et vous comprendrez que j'étais assez frétillante en poussant ses portes ! ;-)
Vous savez qu'il y a quelques semaines, je suis allée à Reggio d'Émilie pour y visiter le centre international Loris Malaguzzi, ou Reggio Children. Cette fondation se présente comme un lieu tourné vers l'avenir, accueillant tous les partisans d'une éducation de qualité, sans distinction d'âge, de culture, d'opinions, d'espoirs et d'idéaux. Cette vaste bâtisse - ou plutôt, cet ensemble de bâtisses - cache un centre de recherche et d'innovation éducatives, et s'attache à explorer tous les processus à l'oeuvre dans tous les champs de la connaissance.
Vaste programme, et vous comprendrez que j'étais assez frétillante en poussant ses portes ! ;-)
Lorsqu'on franchit le portail de fer forgé situé à l'angle de la rue Bligny, on quitte l'ambiance très urbaine de l'immense place de l'Europe : nous marchons dans un parc étroit mais ombragé rempli de chants d'oiseaux. Une plaquette discrète nous informe : "Centre de défense et de promotion des droits et des potentialités de tous les enfants". C'est bien ici. Devant nous, un grand batiment ancien où siège le Centre de recherche et dont nous apprenons qu'il s'agit d'un ancien entrepôt de Parmesan - ah, oui, l'Émilie Romagne n'est pas d'abord mondialement connue pour ses innovations pédagogiques, mais bien pour son fromage ! :-D
Le centre Malaguzzi, s'il n'est déjà plus flambant neuf, le parait. C'est un batiment de verre résulument contemporain qui trouve sa place, tout naturellement, entre l'entrepôt ancien et une école maternelle. Il est ouvert à tous, et sa visite est intégralement gratuite.
En passant le vaste tourniquet transparent, j'ai la même impression étrange que lorsque je me promène sur le site de la fondation : je ne sais pas trop où diriger mes pas. Le hall est immense, et me rappelle, en plus design et plus civilisé, l'ambiance des cafèt' de mes années fac. Ici, on bosse, en buvant un café et en grignotant quelque chose - oui, on peut acheter à boire, à manger, ou rien du tout. Dans un angle, un "espace" enfant, très comparable à celui que l'on peut trouver dans nos pharmacies ou nos fast-food - quelques chaise basses, des jouets récupérés et trois éléments de matériel à dessin. Le message me parait clair : je suis dans un lieu destiné au travail... des adultes, non ? Non ?
Je repère tout de même deux espaces d'exposition d'oeuvres enfantines, disposés de manière diamétralement opposée : l'une se compose de bateaux en papier, de toutes les tailles et de toutes les couleurs, savamment disposés ; le second retient longuement mon attention. Il s'agit d'une regroupement de sculptures d'argile, exécutées par des enfants entre 5 et 7 ans. Chacun s'est employé à créer un personnage, et toutes les figures rassemblées configurent une véritable foule. Les oeuvres sont vraiment bouleversantes d'expressivité, et je remarque en les détaillant une myriade de détails malicieux (ce chien... et sa crotte, par exemple !), de prouesses techniques (avez-vous déjà essayé de réaliser un vélo avec des boudins d'argile ?) et de poésie (ce couple d'amoureux s'embrassant à pleine bouche et qui semble imperméable à l'agitation ambiante)... La force qui se dégage de ce regroupement de travaux est tangible. Elle m'impressionne tellement que j'en oublie complètement de la photographier ! :-D Désolée...
À côté de cette oeuvre collective, un épais lutin est mis à disposition : chaque page reprend la photographie grand format d'une statuette, accompagnée des explications de son jeune auteur - hélàs, en italien, dont je ne lis pas le moindre mot... Mais je grave la présentation de ce projet très profondément dans ma mémoire ! :-)
Bon, c'est pô tout ça, mais ma liberté entre ces murs commence à me peser. Personne ne semble me voir, ni se demander ce que je fais là. Personne ne me propose de m'expliquer... quoi, d'ailleurs ? Je cherche un panneau indiquant un éventuel sens de la visite, mais il n'y en a pas. Ai-je d'ailleurs l'air d'être dans un musée ? Au bout d'un moment, je décide de faire la chose qui me parait la moins naturelle, bien que la seule possible : je fais comme chez moi. Et j'ouvre une porte au hasard. Hein, quelle audace ?!! ;-)
Boum. Me voici dans un espace à la lumière feutrée, tout en longueur (c'est un couloir) dans lequel je trouve une selection de projets et de documents à consulter - un témoignage de l'attention porté à l'environnement et de la manière dont ont été vécu les espaces scolaires dans la commune, au long de ces 35 dernières années de dialogue ininterrompu entre pédagogie, architecture et innovation. C'est l'exposition intitulée "L'école est une communauté d'apprentissage", dont j'attendais beaucoup, mais dont je m'aperçois immédiatement qu'elle concerne en réalité le concours d'architecture dont furent issus les locaux dans lesquels je me trouve...
Boum. Me voici dans un espace à la lumière feutrée, tout en longueur (c'est un couloir) dans lequel je trouve une selection de projets et de documents à consulter - un témoignage de l'attention porté à l'environnement et de la manière dont ont été vécu les espaces scolaires dans la commune, au long de ces 35 dernières années de dialogue ininterrompu entre pédagogie, architecture et innovation. C'est l'exposition intitulée "L'école est une communauté d'apprentissage", dont j'attendais beaucoup, mais dont je m'aperçois immédiatement qu'elle concerne en réalité le concours d'architecture dont furent issus les locaux dans lesquels je me trouve...
Une manière de me rappeler d'emblée à quelle échelle les enjeux de cette pédagogie se jouent : celle de la cité, voire du continent ou du monde - en tout cas, elle déborde largement le cadre de la classe et encore plus le domaine privé. Légère déception - je me pose tant et tant de question par rapport à l'aménagement de l'espace ! Je retrouve ce sentiment agaçant, dont je ne suis pas, d'ailleurs, spécialement fière : mais parfois, j'aimerais tellement que quelqu'un me dise : "Voilà comment faire." Jamais cela ne me sera dit en Reggio... Je crois que j'aurais aimé une série de photos du type "Avant/Après", des exemples sur la manière dont les enseignants se sont débrouillés avec les moyens du bord...
Un "avant/après" comme je les aime, extrait de Bringing Reggio Emilia Home, de Louise Boyd Cadwell |
C'est sûr, les municipalités ne me demanderont jamais mon avis, à moi, avant de bâtir une école, et c'est bien dommage, puisque c'est tout de même moi qui vais ensuite devoir organiser cet espace... Avec tout un tas de contraintes imposées par la mairie, vous n'imaginez pas, à moins d'être vous-même passé par là !... :-/
C'est tout de même rigolo, de regarder ces plans. On se prend à rêver... C'est vrai, on n'ose jamais prendre (perdre ?) du temps pour rêver à l'école idéale... C'est que ça fait trop mal, ensuite, de revenir à la réalité des choses, dans nos locaux qui ne sont jamais idéaux, eux...
Je n'y connais rien, mais je n'aurai pas voté pour le gagnant de ce coucours d'architecture, moi... ! Mon côté "ex-fan des seventies" s'émoustille devant un Reggio Children en forme d'étoile et de bulle... Sympa, non ? :-D
(Oui, OK, chacun ses goûts, quoi...) :-)
(Oui, OK, chacun ses goûts, quoi...) :-)
"La recherche, c'est la tension qui caractérise chacune de nos tentatives pour comprendre. La recherche, c'est le cheminement personnel et partagé dans un monde de possible...
La recherche essaie de définir la vie, et ce qui peut unir les enfants et les adultes, dans les écoles, et en dehors."
Carla Rinaldi
La recherche essaie de définir la vie, et ce qui peut unir les enfants et les adultes, dans les écoles, et en dehors."
Carla Rinaldi
Pour celles et ceux que les détails de ce concours intéressent particulièrement, voici le topo - si vous avez de bons yeux :
Même si cette problématique ne correspond pas vraiment à mon champ d'action quotidien, je termine cette exposition en me disant qu'il serait bon de repenser un peu les modèles architecturaux "classiques" de nos écoles. D'essayer de dessiner des lignes plus douces, de gommer les barrières entre les espaces, d'ouvrir les différents lieux les uns sur les autres... Moins de murs, plus de fenêtres... Le boulot de l'architecte n'est-il pas finalement de s'extraire de la fonctionnalité (dessiner un dortoir, une cantine, un couloir, un coin regroupement, un coin jeux... qui doivent, par définition, répondre à tel cahier des charges) et de créer un lieu polymorphe ? - Les enfants ensuite, et ceux qui les encadrent, insufflent à cet espace une forme, une identité, une finalité... changeantes. Vivantes. Comme le savoir qui s'y construit.
Un environnement hydride : c'est celui qui ne se définit que par les relations qui s'y tissent.
Un espace riche, complexe, qui, loin d'être fracturé et simplifié, opère une fusion entre le dehors et le dedans, le formalisme et la flexibilité, le matériel et l'immatériel...
Finalement, elle est assez inspirante, cette exposition ! ;-)
Et en sortant, je tombe nez à écran sur le Video center. À pic. J'avais besoin de voir des enfants. Car depuis quelques jours, et bien... ils me manquent ! :-D
Sur l'écran de droite, un montage de projets menés en maternelle : sur l'écran de gauche, un montage de projets menés en crèche. Chaque parole d'enfant ou d'adulte est sous-titrée en italien et en anglais...
Alors... chut ! Si vous le voulez bien...
Video center |
Là, je savoure... :-)
Merci
ReplyDeleteSuper ! je ne me souviens plus si tu as lu ce livre "Designs for Living and Learning: Transforming Early Childhood Environments" parce que je trouve que là il donne vraiment la marche à suivre (en 10 étapes) pour transformer l'espace. Je suis marquée à vie par la lecture de ce livre. Et je me rends compte du travail qu'il y a à faire dans les espaces qui accueille nos enfants(crèche, école classique et école montessori), et les enfants dont je m'occupe (institut médico éducatif avec un internat) notamment en terme de personnalisation pour que chacun (adultes et enfants) s'y sente bien.
ReplyDeleteAh non, je ne l'ai pas lu !
DeleteHop, je l'ajoute sur ma liste de Noël ! Merci, Alounette ! :-)
Génial! Quelle chance tu as d'être allée voir tout cela de plus près! J'avais lu des choses au sujet de ce concours et aussi sur le centre et ses expositions vers la fin de "The hundred langages of children" (et je suppose que toi aussi!) ça m'avait trop donné envie d'y aller.
ReplyDelete@alounette, "Designs..." est le prochain ouvrage que je dois lire alors tu me donnes encore plus envie!!!
J'attends avec impatience la suite des articles Reggio (et les autres thèmes aussi d'ailleurs), mais profite quand même bien de ta pause ;-)
L'architecture va de paire avec l'aménagement de l'espace, et je suis d'accord, c'est essentiel pour créer une belle ambiance, mais aussi comme tu le dis, permettre les possibles. Personnellement, j'aime les coins et les recoins, les petits endroits secrets, mais cela est du à ma personnalité où j'aime cultiver l'introspection, la lecture et la réflexion. J'aime le sentiment d'intimité !
ReplyDeletePour cela, (et c'est mon coté Jane Austen !), j'aime les vieilles écoles, les marches en bois creusées par les pas de milliers d'élèves qui nous ont précédés, les murs lézardés (juste un peu, après c'est dangereux !!) car j'ai l'impression de vivre l'histoire. J'aime le côté grenier et caverne d'ali-baba de ces établissements, ce sont pour moi des endroits vivants.
Pour reprendre ta réflexion, ne pas restreindre les coins à certains usages, permet de développer justement ces multiples possibles et permet surtout le changement, de ne pas se fixer. J'apporterais tout de même un bémol. A l'échelle d'une école (et pas de la classe), pour avoir vécu en stage un lieu multi-usages (classe se transforme en cantine puis en dortoir), c'est tout de même beaucoup d'énergie de perdu pour les enfants et les adultes, car là où j'étais, ce n'était pas du tout fonctionnel...
L'école du troisième type de B. Collot (école du troisième type) semble fonctionner sur ce principe, toutes les pièces de l'école sont utilisées et souvent détournées, et si j'ai bien compris en libre-service par les enfants, y compris la cour de récréation... Ce qui nécessite un fort sentiment de confiance du maître envers ses élèves car ceux-ci sont donc sans surveillance.
Merci pour cet article, et vivement la suite car on reste un peu sur notre faim (tu maîtrise la chute et le suspens !).
Merci pour ce retour. Oui le suspens est à son comble;) Hâte de lire la suite !
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