Aujourd'hui, j'aimerais vous décrire le plus fidèlement possible nos séances de "travail" dans l'atelier. Suite à cet article-ci et à celui-là, je reçois beaucoup de questions à leur sujet : à quoi sert exactement ce matériel bizarroïde, mi-montessorien, mi-on ne sait quoi ? N'est-ce pas trop demander à des enfants si petits que de travailler en plus du créneau scolaire ? Ou, au contraire, le temps passé sous les combles n'est-il pas ridiculement court, et tout ceci en vaut-il bien la peine ?
J'espère qu'un petit récit "comme si vous y étiez" de nos séances du week-end dernier (*) répondra à vos interrogations ! 😉
En amont :
Il est évident qu'avant une séance, j'ai une petite idée des propositions que je pourrais faire. En l'occurrence, à la veille de notre week-end, je m'étais dit que :
1. Peut-être le manque d'intérêt croissant d'Antonin pour le découpage venait-il d'un besoin de redécouvrir l'activité à travers des outils et des matériaux nouveaux. J'avais donc préparé un petit plateau que je vous ai déjà présenté ICI.
2. Antonin me semblait prêt pour découvrir le deuxième bloc de cylindres (celui dont les blocs progressent à la fois en diamétre et en hauteur, le plus gros étant aussi le plus grand). Il n'a pas manipulé le premier bloc des centaines de fois (oh, non), mais toujours avec beaucoup de conscience et de concentration, s'appliquant à corriger la position de ses doigts si nécessaire, et prenant bien garde à ne pas empièter sur son tapis ! 😉
Mais surtout je l'ai surpris la semaine dernière à désigner pour lui-même l'emplacement du cylindre avant d'essayer de l'introduire physiquement. J'ai donc improvisé un petit jeu : bloc et cylindres furents disposés sur deux tapis distincts, légèrement espacés, entre lesquels Antonin prenait place. Il devait ensuite choisir un cylindre et me désigner du doigt l'emplacement qui était le sien. Il était libre de toucher le cylindre et les emplacements pour évaluer leurs diamètres respectifs s'il le souhaitait, mais ne vérifiait en essayant d'encastrer la pièce que dans un second temps. Nous avons fait ce jeu plusieurs fois, et je dois dire que les erreurs furent très très rares ! 😶
Voici donc l'image que je me faisais de notre week-end : découpage et blocs de cylindre. Vous allez voir que j'avais tout faux.
Samedi :
Antonin entre dans la pièce et remarque immédiatement le nouveau plateau découpage que j'ai installé bien en évidence sur la table. Il s'empare des ciseaux, essaie (très maladroitement) de les ouvrir. Je tend le fil de laine devant lui. Il le coupe. Et puis encore une fois. Il y a donc deux brins de laine dans notre coupelle et le Damoiseau décide que c'est bien assez. Il range le plateau sur son étagère et n'y a pas encore retouché à ce jour !!
Je crois décidément qu'Antonin n'est pas encore prêt pour apprendre à découper ! 😄
Ensuite, Antonin est libre de choisir son activité. S'il décide de manipuler les cylindres, je sais que j'en profiterais pour lui présenter le nouveau bloc. Mais encore une fois, mon attente sera déçue...
Le Damoiseau jette son dévolu sur notre petit bol "à trésor" : il contient des chataignes, des noisettes, des fèves sèches, des coquilles d'escargot, et autres merveilles dont nous possédons trop peu d'exemplaires pour leur consacrer un panier entier. Il aimerait les manipuler, mais je le sens désoeuvré ; il cherche ce qu'il pourrait faire avec. Je lui présente son panier de chiffres rugueux, qui contient les chiffres de 0 à 3 (qu'Antonin sait tous lire à présent) et lui suggère "d'écrire" le chiffre de son choix avec son petit matériel.
Cette petite activité (préliminaire à l'écriture des chiffres) lui a visiblement beaucoup plu, il s'est bien appliqué et a longuement admiré le résultat, mais n'a pas souhaité recommencer avec un deuxième chiffre.
Antonin avise ensuite le panier de pommes de pin, et décide spontanément de construire un petit train. Précautionnement, il aligne les cônes, veillant bien à ne pas laisser d'espaces entre eux. Ce travail commencé sur un tapis le déborde très vite complètement. Au bout d'un moment, le Damoiseau s'arrête et compte les pommes de pin (ben oui, laissez libre Antonin de faire ce qu'il veut et il s'exerce à la numération...) : 21 ! D'après ce que j'ai pu en entendre, il sait compter jusqu'à 27, avec quelques omissions/inversions néanmoins...
Tout de suite, il décide de mettre en correspondance des rondelles de bambou avec chacun des cônes. À la fin de cette tâche, durant laquelle il compte et re-compte allègrement, il me surprend à aller chercher juste le nombre de rondelles qui manque pour terminer le train. Bon. Mon Damoiseau est donc capable de se servir du nombre pour garder en mémoire une quantité. C'est excellent.
La séance de "travail" proprement dite touche à sa fin. Antonin exécute son cadre d'habillage une fois très rapidement, puis demande à dessiner... mais au bout de 5 minutes, je sens qu'il se disperse... Il faut dire qu'il est presque 18 heures !
Nous fermons l'atelier, et Antonin me fait promettre que je ne toucherai pas à son train avant le lendemain.
Durée totale de la séance : 20 minutes.
Dimanche :
Antonin est tout content de retrouver son train qui l'attend le lendemain. Il décide de complèter son travail en ajoutant, pour chaque ensemble cônes/rondelles, des cailloux, puis des coquillages. Il compte, compte, compte... en longueur (de 1 à 21) mais aussi en largeur (de 1 à 4). Vous ne pouvez pas me faire l'amer reproche d'avoir initié mon fils de deux ans et demi à la multiplication, car pour le coup, nous sommes, j'espère, bien d'accord pour dire qu'il s'y est initié tout seul ! 😄
Ensuite, Antonin attrape le matériel de numération que je lui ai fabriqué et dont je vous parlais ICI. Il l'aime beaucoup et s'en sert très fréquemment. Très vite les mises en paire "simples" pour lesquelles ces jeux avaient été créés l'ont lassé, et il en a inventé d'autres. Au début, il ne savait pas encore lire tout seul les chiffres de ce jeu-là :
Alors, il utilisait ce jeu-là pour s'aider :
Il lui suffisait de compter le nombre de points sous une écriture pour savoir ce que cette écriture symbolisait. Antonin a donc trouvé tout seul, parmi les outils à sa disposition, un moyen de résoudre sa difficulté du moment. Je n'y aurais pas pensé !
Bref, très vite, mixer toutes ces cartes pour des mises en paire géantes est devenue un de ses jeux favoris. Antonin place toujours une carte à côté ou sous une autre en m'expliquant pourquoi. Au bout de dix minutes, le résultat, fort complexe, peut paraitre un peu brouillon à toute personne n'ayant pas suivi la procédure...
... mais si vous observez attentivement, vous verrez que cela se tient ! 😄
Il faut prendre en compte ici ce qu'on appelle "la surcharge cognitive" : les dernières cartes (à droite) sont posées avec moins de rigueur que les premières (à gauche). Et bien sûr, oui, il y a quelques "erreurs"... que je me garde bien de pointer, comme toujours.
Après cet effort intense, construction de tours géantes en Lego ! Ce qui nous prit un temps certain, et fit "gonfler" la durée de la séance...
Durée totale de la séance : 50 minutes.
Si vous voulez mon avis...
Je trouve que ces séances durent juste ce qu'il faut ! Et il me semble que des apprentissages très précieux s'y forgent : respect du matériel, créativité, résolution de problème, capacité à prendre des décisions personnelles, amour de la manipulation et de la connaissance...
Je suis vraiment contente de ce que nous sommes en train d'y vivre, c'est vraiment du sur-mesure qui correspond à la manière dont fonctionne chacun des membres de cette famille !! Et que de plaisir ! Il faudrait que je puisse vous faire entendre la réaction de mes enfants quand je leur propose de "faire du petit tapis" !!
😄
(*) : Je précise à nouveau que le week-end, Antonin et moi nous rendons seuls à l'atelier, sans Louiselle qui reste avec son Papa.