À l’occasion de la naissance de sa petite soeur,
nous avions offert à Antonin deux petits cadeaux qui l’attendaient
auprès de moi tous les jours lors de ses visites à la maternité ; car, à
16 mois, nous nous doutions bien qu’il ne resterait pas une heure en
admiration béate devant le nouveau-né (contrairement aux adultes !),
mais qu’il lui fallait quelques objets à explorer. Son papa avait donc
installé une petite dînette dans la chambre d’hôpital ; quant à moi,
j’avais acheté Le premier livre de bébé de Gyo Fujikawa.
Ce fut pour moi un choc que de redécouvrir cet auteur. Car lorsque j’étais enfant, ma Maman avait acheté son ABC des enfants sages
à Emmaüs. La couverture manquait, mais il était, à ce détail près, en
parfait état. Les illustrations et les textes avaient laissé en moi une
impression profonde, comme seules peuvent en laisser les livres que l’on
aime étant enfant. Qu’est devenu ce pauvre livre sans couverture ? Sans
doute ma mère l’a-t-elle redonné aux Emmaüs le jour où elle pensa que
nous étions devenu trop grands pour ce genre de lecture… J’espère que
ses nouveaux propriétaires l’ont aimé comme je l’ai aimé, moi !
Depuis quelques mois, j’avais donc en tête de retrouver un exemplaire
de ce livre. Il n’a pas été réédité en français, mais grâce aux ventes
d’occasion par Internet, j’ai fini par me le procurer pour 5 euros
(merci au passage à Biquette et à Lucie pour leurs tuyaux !). Et, oh ! Magie
de la parentalité ! Je retrouve dans le regard d’Antonin
l’émerveillement qui fut le mien il y a bien longtemps ! Il ADORE ce
livre, comme s’il héritait de tout mon engouement passé !
Mais forcément, à force de fréquenter des ABCdaires, cela devait
arriver : Antonin me désigne les objets représentés piour que je les lui
nomme ("bateau" , "ballon" , "bébé" …) puis il me montre la grande lettre
qui trône sur la page au milieu de tous ces objets disparates et
attends que je lui dise ce que c’est. Ce que je fais, bien entendu. Mais
je lui donne alors « le bruit » que fait la lettre en phonologie, et
non son nom arbitraire (je lui "bb’" et non "bé").
Une double page retient particulièrement son attention : c’est celle
sur laquelle une ribambelle d’enfants portent des pancartes représentant
les lettres de l’alphabet. Il s’agit de produire le
chant de toutes les lettres sans en omettre aucune, et Antonin est très
attentif ! Alors c’est parti : "aa" , "bb’", "kk'"...
Si la tradition scolaire désigne les lettres par
leurs noms et non par le son qu’elles produisent, c’est pour pouvoir les
désigner de façon non équivoque. Effectivement, la
valeur phonique d’une lettre change en fonction de sa place dans le mot
(le « S » fait toujours [s] en début de mot, mais bien souvent [z] en
milieu de mot, et est généralement muet en fin de mot) mais aussi des
lettres auxquelles elle est associée (le « C » fait [k] quand il est
suivi d’un « a », mais [s] quand il est suivi d’un « e »). Si on choisi
de donner la valeur phonique des lettres à un tout-petit quand il le
demande, cela n’exclue donc pas une part d’arbitraire, au contraire !
Pour ma part, par exemple, j’ai décidé de dire [k] quand Antonin désigne
le « C » car les mots commençant par « CA », « CO », « CU », « CL » ou
« CR » me semblent plus nombreux et plus familiers que ceux commençant
par « CE » ou « CI »… Je ne parle même pas du « CH », c’est un phonème à
part entière, qu’il faudrait apprendre séparément, et qui n’a rien à
voir avec les valeurs phoniques des deux lettres qui le composent !
Et d’ailleurs, le « H » ? Et bien, quand Antonin me le désigne, je lui explique que cette lettre s’appelle « ache »
et qu’elle ne fait pas de bruit… Cela n’a pas l’air de le perturber
plus que cela. Après tout, l’escargot et la tortue de ses imagiers n’ont
pas de cri, cela ne l’a jamais gêné ! ;-)
Nous en sommes donc là. Mon objectif n’est pas, bien
sûr, que le Damoiseau mémorise ces sons, et d’ailleurs je serai bien
embarrassée s’il fallait décrire ce qu’il comprend vraiment de tout
cela. Mais il me pose une question, j’essaie de lui répondre, et du plus
honnêtement que je peux en tentant de rester pas trop loin de sa portée. Cela fera son chemin, ou ne le fera pas.
L’autre jour, je passe devant la porte entrouverte de
la chambre d’Antonin et je l’entend proférér des bruits bizarres… Je
jette un oeil… Il était penché sur son ABCdaire et le lisait : « SSSS
! » s’exclamait-il joyeusement… en désignant un mangifique « F » !
J’ai beaucoup ri. Et je me suis souvenu de cet article, relatant une anecdote similaire chez un enfant plus grand, qui m’avait beaucoup fait rire aussi ! :-D
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