Si on m’avait pris 5 centimes à chaque fois que j’ai dit NON à Antonin cette année, je crois que j’aurais à ce jour le plus beau découvert de l’histoire de l’humanité… :-(
Comment ça ? Ne suis-je pas ouverte à la « pédagogie respectueuse »
? Il me semble qu’on peut le dire, étant donné la place que celle-ci
occupe dans mes pensées. Est-ce que je n’essaie pas d’accepter les
émotions de mon enfant sans jugement, qu’elles soient de tristesse, de
colère ou de frustration ? Est-ce que je ne lui fais pas confiance quant
à sa manière d’apprendre, sans essayer d’entraver ou d’accélérer son
développement naturel ? Est-ce que je ne m’applique pas à proposer sans
jamais diriger l’activité de mon fils ? Est-ce que je ne l’encourage pas
à résoudre lui-même ses problèmes sans chercher à le faire à sa place ?
N’ai-je pas banni fessées, menaces, punitions et récompenses ?
Mais « chasser le naturel, il revient au galop », et
j’ai souvent l’impression, quand je profère un de ces « NON »
assassins, que des générations entières parlent à
travers ma bouche, des générations au cours desquelles il était naturel
de penser qu’il fallait dresser l’enfant, le contraindre, au cours
desquelles nous étions persuadés que l’adulte vallait mieux que
l’enfant, savait mieux que lui ce qui était bon pour lui, au cours
desquelles l’enfant n’était perçu que comme l’adulte qu’il devait
devenir, en miniature.
Qu’elle est lourde, cette ascendance !!
Pourtant, bien sûr, il y a plusieurs catégories de NON, et j’ai
essayé de consigner toutes les circonstances dans lesquelles ces refus
jaillissaient :
- Il y a d’abord le NON non-négociable.
Il s’agit de protéger l’enfant de dangers réels, et nous faillirions à
notre mission de parents si nous ne donnions pas à l’enfant des
interdits clairs, qui le structurent. J’en avais déjà parlé un peu ici.
Mais finalement, combien y a-t-il d’interdit réels à respecter ? Si on
prend le temps de bien sécuriser son intérieur, et de le penser avec
des yeux d’enfant, il devrait en rester trois ou quatre. Je pense que si
trop d’interdits planent sur l’enfant, c’est qu’il y en a qu’on
pourrait réviser sans dommage. L’enfant à qui trop de choses sont
interdites devient vite fébrile (ce qu’on a tendance à qualifier un peu
rapidement « d’hyper-activité » aujourd’hui). Pour ma part, je suis
heureuse de constater qu’Antonin est beaucoup moins touche-à-tout depuis
quelques semaines, ce qui me permet de me détendre. Ce matin, j’ai fais
tout le ménage de ma cuisine avec lui à mes côtés. Je ne crains plus
qu’il casse, se brûle, ou que sais-je. C’est pour moi un vrai bonheur de
l’avoir à côté de moi sans avoir à lui interdire l’accés à cette pièce
qui le fascine tant ! Il faut dire qu’avec le temps j’ai appris à mettre
hors de portée tout ce que je ne voulais pas qu’il attrape. Pas plus
tard que la semaine dernière, j’ai découvert le Damoiseau en train de
goûter avec volupté le café moulu à l’aide de sa cuillère doseuse…
Disons que j’aimerais qu’il attende encore quelques années avant de
faire cette expérience sensorielle ! La boite de café a changé de place et n’en parlons plus !
- Il y a le NON anticipé. Celui-là
est terrible. Heureusement, je n’ai pas trop ce réflexe, mais je l’ai
constaté chez nombre d’adultes à l’égard d’Antonin ou d’autres enfants
pendant les vacances. Il consiste à dire NON parce qu’on attribue à
l’enfant une intention. Sans prendre la peine de vérifier si cette
intention est réelle, nous interdisons. Exemple : l’enfant joue sur un
terrain en bordure de route, et se dirige vaguement, à un moment donné,
vers l’axe où passent des voitures. L’adulte crie : « NON ! » d’un ton
péremptoire. L’enfant s’arrête, l’air interrogateur. Il n’a pas bien
compris. Plusieurs raisons à cela : d’abord, l’enfant ne perçoit pas
comme nous la limite entre ce qui est route et ne l’est pas. Il a le
droit d’être là où il est, il n’a rien fait, alors ? Ensuite, il
n’entrait peut-être pas du tout dans son intention d’aller sur la route !
L’enfant déambule, nous avons perdu cette capacité. L’enfant ne va pas
d’un point à l’autre avec une intention, il explore, se promène, ce
n’est pas parce qu’il se dirige vers la route qui est encore à plusieurs
dizaines de mètres qu’il a l’intention de s’y engager. Quatre fois sur
cinq, il rebroussera chemin. Et s’il ne le fait pas, c’est à nous de le
prendre dans nos bras, à l’endroit qu’on estime être la limite et de lui
montrer l’interdit : « Tu vois, ça, c’est la route. C’est dangereux,
alors on va dire Au revoir aux voitures, et puis, on va retourner jouer un peu plus loin. » Ça marche très bien avec Antonin, qui adore dire Au revoir
à ce qu’il faut quitter. Les automobilistes sont juste un peu
interloqués de voir une maman et son petit leur faire « Coucou », mais
il y en a même qui répondent, c’est sympa !
Autre exemple : ce matin, donc, en balayant ma
cuisine, j’ai fais un tas de toutes les rognures de nourriture qui
jonchent le sol quand on a un bébé qui mange seul. Antonin se précipite
sur une belle miette de pain rassis qui traînait au milieu de la
poussière. Reflexe : « NON ! », sous-entendu : « Non, ne le mange pas,
c’est sale ! ». Je me suis aussitôt ressaisie (mais je l’ai dit, hein,
allez, 5 centimes de moins !), et j’ai enchaîné, plus doucement :
« C’était par terre, c’est sale, alors tu vas le mettre à la poubelle,
n’est-ce pas ? » Et Antonin, très fier, a été mettre le déchet à la
poubelle. Mais qui me dit que ça n’avait pas été là son intention dès le
départ ?
- Il y a le NON qui se tranforme en OUI.
Celui-là, je le pratique couramment. Il est assez nul, parce qu’alors,
le moyen pour l’enfant de s’y retrouver ? On voit l’enfant faire quelque
chose qu’on n’avait pas anticipé. Exemple, ce matin, Antonin saisit une
boite de boulgour en carton toute neuve et s’acharne à essayer de
l’ouvrir. Reflexe : « NON ». Et puis, on réfléchit très vite, et on se
dit que finalement ça n’est pas grave et qu’on peut laisser faire. Ben
oui, le boulgour est enfermé dans un sachet plastique très épais, il ne
va pas se répandre sur le sol si Antonin parvient à ouvrir la boite.
D’autant que je vais l’ouvrir, moi, cette boite, dans deux minutes. Un
NON que j’aurais pu éviter (et 5 centimes de moins !)… D’autant que le
Damoiseau n’a pas réussi à l’ouvrir et a préféré aller la ranger à sa
place… Moralité : tourner 7 fois la langue dans sa bouche…
- Il y a enfin le NON conservateur.
On a interdit quelque chose à un moment, mais il faut savoir adapter
ses réactions en fonction de l’âge de l’enfant. Cela suppose de se
remettre en question en tant qu’adulte et aussi de faire confiance à
l’enfant pour qu’il comprenne que ces évolutions ne sont pas des
démissions de notre part. Une fois les interdits intériorisés (on ne
fait de mal aux plantes, on ne déchire pas les pages des livres, on
n’ouvre pas le réfrigérateur, on ne touche pas la porte du four…),
certains espaces de la maison peuvent être ouverts, pour le plus grand
bonheur de tous ! Cela se fait naturellement avec la croissance de
l’enfant, qu’il faut, une fois de plus, savoir observer pour ajuster les
règles. Notre discours évolue avec notre enfant, c’est normal, et
absolument pas contradictoire.
Alors, tout en gardant un oeil ouvert, soyons serein
! Notre vigilance ne devrait pas être oppressante pour l’enfant ; et
notre confiance en lui lui permetrra de se construire paisiblement, dans
le respect des règles !
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