Penser (à) la naissance
April 18, 2012
Ce matin, surprise ! Alors que la grisaille devait durer toute
la journée, la matinée s’annonce douce et ensoleillée. Antonin, mon gros
bidon et moi, en profitons pour aller faire quelques emplettes en
ville, essentiellement le matériel nécessaire à la fabrication du mobile de Munari. Je vous en reparlerai quand son heure sera venue (je compte le proposer à la Damoiselle à partir de ses 3 semaines environ).
Nous sommes aussi revenu avec ça :
"Pour une naissance sans violence", Frédérick Leboyer, Seuil, 1974. |
On ne le présente plus, ce classique par lequel en 1974,
Frédérick Leboyer fit connaître, pour la première fois, ce qu’il vivait
en pratique dans sa maternité. Il y eu un film aussi, à l’époque, je
vais essayer de me le procurer. Ce pionnier traite le nouveau-né comme
une personne : rappelons qu’à l’époque (qui est celle
de ma naissance, qui fut atroce), le nouveau-né est saisi, tenu par les
pieds la tête en bas, secoué, ébloui, assourdi, ses voies
respiratoires sont dégagées systématiquement, le cordon est coupé
immédiatement l’obligeant ainsi à prendre sa respiration trop tôt… Que
les âmes sensibles me pardonnent, mais une génération plus tôt, on
n’anesthésiait même pas les nouveaux-nés subissant des interventions (ben quoi, ils ne sentent rien !).
Il suffit de quelques heures pour lire ce livre. La prose un peu
emphatique caractéristique des annnées 70 peut faire sourire ou agacer,
mais je trouve que cela rend la lecture légère, ce qui est appréciable
quand on est fatigué comme je peux l’être. Et puis, c’est une excellente
préparation psychologique à l’accouchement (pour moi, prévu dans moins de trois semaines !).
La Damoiselle va naître au même endroit que son
grand frère ; il s’agit d’une clinique mutualiste qui, il y a quelques
années, faisait figure de pionnière dans le respect qu’elle accordait au
nouveau-né. Aujourd’hui que ces pratiques tendent à se généraliser, je
ne sais pas si c’est mieux qu’ailleurs… Mais n’ai aucune envie de tenter
une comparaison ! J’ai là-bas mes repères, et, de plus, la clinique est
proche de mon domicile, ce qui rassure pour le jour J.
J’aborde mon second accouchement bien plus sereinement que le premier
; pour Antonin, je me souviens ne pas avoir su dire à la sage-femme, au
moment du pré-travail, ce que je souhaitais pour cette naissance. Je
faisais confiance à l’équipe (je le fais toujours !), mais quoi d’autre ?
Cettte fois, je sais exactement ce que je dirai :
1. Pour Antonin, les poussées étant très virulentes, la sage-femme
qui m’assistait a décidé de ne pas me faire faire de péridurale, mais
seulement une rachi-anesthésie, dont l’effet est limité
dans le temps. La seule conséquence de cette anesthésie a été de me
couper complètement de mes sensations de poussées (mais pas des
douleurs des contractions, qui furent maximales !). J’ai eu beaucoup de
difficultés à vivre cet état de fait, je me sentais complètement
dépossédée de mon accouchement ! Lorsqu’une contraction arrivait, que je
recevais de plein fouet, tout le monde me disait : “POUSSEZ !”, et moi :
” Pousser ? Là, tout de suite ? Mais non, j’ai mal, là, pas possible
!”. Pas étonnant que l’expulsion ait duré 2h30… Cette fois, une chose
est sûre, je refuse la rachi-anesthésie.
2. Et la péridurale ? J’avoue que l’idée que l'on puisse atténuer ma douleur me séduit… Mais une chose me terrifie : accoucher sur le
dos. Avec le catétère, plus question de se lever. Or, les seuls moments
où j’ai réussi à “faire descendre” Antonin et à me sentir un peu
maîtresse de ce qui se passait sont les moments où j’étais… accroupie !
Merci, la gravité ! Problème : la clinique n’était pas du tout équipée
pour m’installer ainsi ! Je poussais comme si nous étions au fin fond de
la forêt vierge, pendue au cou de mon mari qui me soutenait par
derrière, soulevée par la seule force de mes cuisses (jambes de gazelle
garanties en quelques heures, Mesdames !)… Mais je préférais être ainsi
qu’allongée sur le dos, position que je trouve d’une part très
humiliante et invalidante, d’autre part fort inconfortable (le poids de
mes bébés m’écrase littéralement !). Bien sûr, si on me dit qu’avec la
péridurale, cette difficulté passe à la trappe… Des témoignages ?
2. J’ai déjà parlé du fait que les lumières
étaient trop vives à la naissance d’Antonin. Je conçois que les
sages-femmes aient besoin de lumière pour faire leur travail, mais je
leur demanderai de limiter cette lumière au strict minimum en fonction
de leur besoin. Et ce, avant même l’expulsion, pour créer une atmosphère
sereine.
3. Dans le même esprit, j’ai beaucoup crié en mettant au monde
Antonin. Cela me faisait du bien, j’avais l’impression d’avoir, par mes
cris, une sorte d’emprise sur les évènements… Les sages-femmes ont
essayé de me faire entendre que je gaspillais dans mes hurlements une
énergie précieuse que j’aurais pu mettre au sevice des poussées. Mais
allez faire entendre raison à une parturiente… Aujourd’hui, je
m’aperçois qu’elles avaient raison ; de plus, ces rugissements (car ç’en
étaient !) ont fortement impressionné mon homme… Et quel effet cela
a-t-il eu sur mon petit ? Antonin a beaucoup pleuré à la naissance. Même
immédiatement couché sur mon ventre, il me semble qu’il a pleuré de
longues minutes, peut-être même un quart d’heure entier, jusqu’à ce
qu’il soit mis au sein… A la lecture de Pour une naissance sans violence,
j’apprends avec surprise qu’un enfant ne pleure pas nécessairement à sa
naissance, et que c’est, bien evidemment, un signe de bien-être. Je
crois avoir beaucoup trop crié moi-même, pendant 2h30, pour créer ce
climat de sérénnité dont le Damoiseau avait besoin… (pardon, mon bébé
!). Je vais donc essayer cette fois de me concentrer sur mes sensations
en silence, et je demanderai à l’entourage médical de
ne parler que si nécessaire, et à voix basse. Quant à mon mari, je le
connais : ce n’est certainement pas le moment où il se lancera dans un
grand discours ! Peu loquace en temps ordinaire, il faut le voir là,
avec l’émotion qui lui noue la gorge !
4. Et puis, il y a plein de choses que je ne veux pas que l’on change
: le fait que la sage-femme dépose mon bébé sur mon ventre aussitôt né
et s’éclipse discrètement pendant 15 bonnes minutes. Le fait qu’on ne
coupe le cordon qu’ensuite, que ce soit le Papa qui fasse les premiers
soins (seuls ceux absolument nécessaires) et l’habillage (Jeannette Toulemonde conseille d’habiller les nouveaux-nés avec des vêtements à leur taille pour limiter les plis et épaisseurs, et mis à l’envers
pour éviter le contact de la peau si délicate avec les coutures
grossières !), le fait que pendant tout le séjour, mon bébé ne m’aie pas
été enlevé une seule fois (pas de danger qu’on me l’aie échangé au
berceau, celui-là).
5. Je suis pleine de bonnes résolutions concernant l’allaitement, le peau-à-peau ou les massages… Mais nous ne sommes déjà plus en train de parler de la stricte naissance ! A suivre, donc.
Présentement, Antonin est couché, je vais donc aller faire ma petite
sieste, moi aussi. Depuis hier, j’essaie de faire de l’endormissement un
véritable exercice de sophrologie pré-natale :
allongée à mon aise sur le côté, un oreiller bien calé sous le ventre,
j’applique une main sur mon bébé et je me détends au maximum, en passant
en revue chaque partie de mon corps pour les détendre. Je m’inonde de
pensées positives telles que : “Je suis bien avec mon bébé en moi”, “Je
suis en prolongement avec mon bébé”. Très vite, je me sens en symbiose
avec la Damoiselle (qui ne manque pas de se manifester par d’amples
mouvements sous ma main). Je m’imagine en train de la cajoler, de la
bercer. Et lorsque je m’endors, elle fait partie de mon être, de ma
respiration, de mes pensées.
(Je vais associer le Papa à ce petit rituel dès ce soir, je suis sûre
que cela nous aidera à vivre les contractions le moment venu !)
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